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Les anesthésistes de l’AP-HP ont réduit les déchets des blocs opératoires (SERD 2019)

Les anesthésistes de l’AP-HP ont réduit les déchets des blocs opératoires (SERD 2019)

Du 16 au 24 novembre se tient la semaine européenne de réduction des déchets (SERD), l’occasion pour TecHopital de mettre en avant les actions menées par les établissements hospitaliers pour réduire leurs déchets, à l’instar de l’AP-HP qui, avec les projets “Vers un bloc opératoire éco-responsable” et Sub-Or, a réduit les volumes de Dasri et de métaux au bloc opératoire.

En mai 2019 les deux projets ont été primés à l’issue de l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) “développement durable” lancé par l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (AP-HP), dans la catégorie des projets à dupliquer (cf dépêche TecHopital).

L’un s’appelle “Vers un bloc opératoire éco-responsable” et a été mis en place à la Pitié-Salpêtrière, l’autre Sub-Or, à l’hôpital Tenon. Mais les deux ont été primés, ensemble, du fait de leur complémentarité.

“El Mahdi Hafiani et moi-même sommes tous les deux anesthésistes-réanimateurs. Et le plus amusant c’est que nous sommes de la même promotion, travaillons dans deux établissements différents mais avons eu presque la même idée au même moment”, a expliqué à TecHopital Marie Paries, anesthésiste à la Pitié-Salpêtrière.

“Il faut dire que les anesthésistes sont de gros pollueurs. Il est donc facile de mettre en place des mesures de bon sens pour améliorer le tri, réduire la consommation d’énergie au sein de 46 salles de bloc opératoire de la Pitié-Salpêtrière. Il suffit d’un peu d’information, de sensibilisation pour agir sur les comportements des collègues”, a fait remarquer l’anesthésiste.

Le projet de Marie Paries à la Pitié-Salpêtrière vise en effet à éliminer les gaz anesthésiants les plus polluants des blocs opératoires. “Il s’agit du desflurane et du protoxyde d’azote”. Le desflurane a été remplacé par le sévoflurane dont le pouvoir de réchauffement global (PRG) est beaucoup moins important que le desflurane (cf dépêche TecHopital). Et si le protoxyde d’azote a été à la mode pendant des années, “on peut très bien s’en passer”, a souligné l’anesthésiste.

D’ailleurs, la Pitié-Salpêtrière s’apprête à condamner les tuyaux d’alimentation en protoxyde d’azote. “Nous allons couper ce gaz anesthésiant”, a-t-elle précisé.

A l’hôpital Tenon, la même politique de réduction des gaz anesthésiants les plus polluants en est en cours. “Nous avons réussi à réduire de 97% les gaz à effet de serre (GES) émis dans nos blocs opératoires”, a expliqué à TecHopital El Mahdi Hafiani. “L’utilisation du sévoflurane, pourtant beaucoup moins polluant que le desflurane, doit se justifier par exemple.”

Réduction des Dasri, recyclage des métaux

“En ce qui concerne les déchets, nous avons réduit le nombre de sacs jaunes dans les salles de bloc et réussi à limiter le volume des déchets d’activités de soins à risque infectieux (Dasri). Les soignants avaient tendance à jeter leurs déchets dans la première poubelle qui se présente”, a relaté Marie Paries.

“En supprimant tout un tas de sacs jaunes, nous avons réussi à diviser par deux le volume des Dasri”, a-t-elle complété.

“En 2018, la Pitié-Salpêtrière a évacué 5.100 tonnes de déchets (30 types de déchets) dont 840 tonnes de Dasri. En 2014, il s’agissait de 1.056 tonnes de déchets infectieux envoyés en incinération. La Pitié-Salpêtrière a donc réussi à réduire de près de 20% le volume de ces déchets. “Ce qui signifie qu’un gros travail sur le tri a été réalisé”, a expliqué à TecHopital Agnès Pradel, référente déchets à l’AP-HP.

L’objectif de l’établissement est de limiter à moins de 20% le volume des Dasri par rapport au total cartons, papiers, déchets ménagers et assimilés (DMA), plus Dasri. “Les blocs opératoires produisent 25% de Dasri et il est difficile de produire moins. Dans les laboratoires, c’est pire encore avec 40% de Dasri”, a-t-elle ajouté.

“Le problème avec les déchets infectieux, c’est le tri. Lesquels sont des ordures ménagères? Lesquels sont des déchets infectieux?”, s’interroge El Mahdi Hafiani. Or, il n’existe pas de définition précise de ce qu’est un déchet infectieux, a-t-il souligné. Le comité de lutte contre les infections nosocomiales (Clin) de l’AP-HP a donné une définition mais cela reste une définition pour l’AP-HP. “J’ai tendance à considérer que c’est celui qui jette qui sait”, a fait remarquer pour sa part Agnès Pradel.

En 2014, le pourcentage de Dasri à la Pitié-Salpêtrière était donc de 24%, en 2018 il n’était plus que de 18,7%. Sachant que le prix de traitement des Dasri est 6 fois plus élevé que celui des déchets ménagers, ces quelques pourcents gagnés ont permis de faire de substantielles économies.

“Nous avons également mis en place une filière de recyclage des métaux au bloc opératoire, comme les lames de laryngologie”, a cité Marie Paries. Pour ce faire, il a fallu trouver un nouveau prestataire. “Les métaux ‘tout-venant’ étaient déjà récupérés. Mais ceux des blocs opératoires, les pinces, les lames devaient être décontaminés avant recyclage et le prestataire habituel ne voulait pas les reprendre”, a ajouté l’anesthésiste.

Ainsi, de novembre 2018 à mai 2019, “2,7 tonnes de métaux du bloc ont été recyclés”. Il est probablement possible de valoriser “plus de métaux au niveau de la stérilisation”, a noté Agnès Pradel.

En revanche, le plastique reste peu revalorisé. “Notre prestataire ne nous reprend que les plastiques transparents, ce qui est loin d’être satisfaisant. Nous attendons le changement de marché pour retravailler la valorisation de tous les plastiques”, a conclu la référente déchets.

Réduire les consommations énergétiques

Les bâtiments de l’hôpital Tenon étant récents (ils datent de 2012), les blocs opératoires sont équipés d’un petit système de gestion, au niveau de leur ventilation, qui permet de mettre les salles en veille, “de réduire l’éclairage et la ventilation” lorsqu’elles sont inoccupées. “Ce qui nous a permis de diminuer de de 48% les émissions de GES”, s’est réjouie l’anesthésiste de Tenon.

A noter que le projet Sub-Or s’inscrit dans une démarche globale de “sensibilisation, mobilisation, action, collaboration” (SMAC) pour réduire l’impact environnemental des blocs opératoires.

“Cette démarche de fond qui peut être répliquée dans l’ensemble des hôpitaux de l’AP-HP doit permettre d’introduire de nouvelles pratiques au sein du bloc opératoire”, note le CHU francilien dans sa présentation des lauréats de l’AMI “développement durable”.

Des déchets qui rapportaient…

  • En 2014, la Pitié-Salpêtrière a récupéré pour 1.659 euros de déchets.
  • En 2015, pour 39.279 €
  • En 2016, pour 38.585 €
  • En 2017, pour 54.701 €
    • Mais en 2018, avec l’effondrement des cours des papiers et cartons recyclés, ces déchets ne rapportent plus autant puisque l’établissement n’a pu valoriser ses déchets que pour 28.275 euros.

La faute à qui ?

A la Chine qui, en 2018, a fermé ses frontières et ne rachète plus ces déchets. “Ce sont de nouveaux débouchés qui devront être trouvés avec la mise en place de la nouvelle loi sur l’économie circulaire”, a fait remarquer Agnès Pradel.


Source : TecHopital